La biodiversité
Le domaine abyssal s'étend du talus continental aux plus grandes profondeurs de l'océan. Couvrant environ les 2/3 de la surface du globe il représente, 62 % du volume de la biosphère. C'est sans conteste le plus grand écosystème de la planète, mais c'est aussi le plus mal connu. Ce milieu, est dominé par une faune de petite taille, très variée, constituée d'organismes originaux, dont la biomasse reste limitée.
Les résultats récents montrent que, en l'absence de lumière, et donc de production photosynthétique in situ, la biomasse benthique abyssale se limite à quelques grammes de matière organique par mètre carré et dépend directement des apports organiques de surface (principalement photosynthétiques), sous forme de particules, déjections ou cadavres. Plus de 1,7 millions d’espèces eucaryotes sont répertoriées dans la biosphère, qui pourrait abriter près de 9 millions d'espèces, dont 2,2 marines.
Les dorsales océaniques sont connues pour abriter des sources hydrothermales, sièges d’une production primaire chimiosynthétique alimentant des communautés animales. L’intérêt biologique de ces milieux hydrothermaux, qui contrastent avec les déserts abyssaux, est immense. Plus de 500 espèces hydrothermales sont identifiées. Cette biodiversité se révèle moins importante que le compartiment benthique profond, suggérant qu’un effort d’exploration et de prélèvement doit être maintenu. Leur fonctionnement original, la productivité élevée et le biotope, chargé en composés réputés toxiques pour la vie, en font des environnements extrêmes comparés à d’autres connus à ce jour. Ces écosystèmes, encore peu impactés par les activités humaines, constituent aussi une véritable fenêtre sur l’évolution de par l’originalité de la vie qu’ils abritent. Enfin, les microorganismes qui colonisent ces milieux présentent des caractéristiques remarquables (croissance à très haute température, haute pression, composés originaux et thermostables...) d’intérêt biotechnologique. De plus, il y existerait aussi une activité microbiologique souterraine dont l'importance et le rôle dans les cycles géochimiques reste à déterminer.
Hors contexte hydrothermal, la faune des dorsales reste très peu étudiée. La faune y est rare mais assez diversifiée, la faune de petite taille (méiofaune) se trouve aussi dans les sédiments. On y trouve des coraux profonds, des éponges, des crinoïdes, de petits crustacés tels les amphipodes, et dans les sédiments une grande diversité de nématodes. L’impact des activités hydrothermales sur cette faune semble exister et des symbioses existent avec des microorganismes permettant des apports trophiques.
Les sources actives de la dorsale médio-Atlantique abritent une riche biodiversité faunistique hydrothermale.
- La mégafaune des fumeurs noirs centraux de TAG est largement dominée par des agrégations denses de crevettes alvinocarididés Rimicaris exoculata (jusqu'à 1500 individus/m²).
- Des anémones (Maractis rimicarivora) et des polychètes chaetopteridés dominent la périphérie.
- Trois autres espèces de crevettes alvinocarididés Mirocaris fortunata, Rimicaris chacei et Alvinocaris markensis sont également présentes, ainsi que des crabes (Segonzacia mesatlantica) et galathées (Munidopsis exuta), des gastéropodes (Phymorhynchus moskalevi) et des poissons (Synaphobranchus kaupi).
- Des polychètes sont également présents dans les sédiments périphériques.
La faune du champ hydrothermal de Snake Pit se caractérise par une concentration importante de crevettes autour des cheminées et diffuseurs les plus actifs, dont la densité peut atteindre 2500 individus/m² pour Rimicaris exoculata.
Près de 50 espèces, en majorité mobiles, se répartissent autour de ce site :
- La majorité des espèces est représentée sur le complexe Les Ruches (100 m²), à l’exception des bivalves Bathymodiolus, observés sur le site l’Elan (80 m²).
- Les gastéropodes forment des patchs denses (des centaines d'individus par quelques dm²) dans le voisinage des émissions diffuses.
- Les crevettes Chorocaris chacei et Alvinocaris spp. sont distribuées dans tout le site de l’Elan, mais sont plus nombreuses à proximité des agrégats de Rimicaris exoculata. Mirocaris fortunata est plus abondante dans les zones de fortes biomasses (comme les moulières).
Les sites hydrothermaux, dont TAG et Snake Pit, abritent des espèces symbiotiques associant faune et bactéries chimioautotrophes (photo à gauche) qui les nourrissent. Les espèces les plus étudiées étant la crevette Rimicaris exoculata et la moule Bathymodiolus puteoserpentis. L’étude de la symbiose chez Rimicaris est mieux comprise tant pour sa composition que son fonctionnement grâce aux avancées technologiques (expérimentations in vivo en aquarium pressurisé, métagénomique). Des efforts de récolte et d’expérimentation restent à faire concernant son cycle de vie (reproduction, dispersion, acquisition des symbiontes, fonctionnement de la symbiose chez les juvéniles). La crevette Rimicaris chacei présenterait aussi une symbiose qui reste à étudier. Bathymodiolus puteoserpentis présente une double symbiose sulfo-oxydant (utilisant l’hydrogène sulfuré) et méthanotrophe (utilisant le méthane) dans ses branchies.