14 juin - Entretien avec le commandant Pierre-Yves MEAR

Entretien avec le Commandant Pierre-Yves MEAR, capitaine du Pourquoi Pas ? pendant la mission Haiti-TWiST. Lisez la suite pour découvrir ce que c'est que d'être capitaine de navire.

 

Comment êtes-vous devenu capitaine ?

 En suivant le cursus de l’Ecole nationale supérieure maritime qui délivre un diplôme d’officier de la marine marchande. Ce diplôme permet, après un temps d’élève embarqué, d’obtenir un brevet de lieutenant. Il faut exercer quelques années dans cette fonction pour obtenir le brevet de second capitaine puis encore quelques autres pour le brevet final de capitaine. Le passage d’une fonction à l’autre se fait donc assez naturellement au fur et à mesure que l’on acquiert de l’expérience en mer, de sorte qu’un premier embarquement de commandant est moins dépaysant qu’un premier embarquement d’élève.

Ceci dit, si vous interrogez chaque marin, quelle que soit sa fonction et quel que soit son service (machine, pont, électronique, hôtellerie-cuisine), il se souviendra très précisément de l’embarquement qui l’a amené à exercer pour la première fois une fonction supérieure.

 

Que faites-vous dans les premières heures lorsque vous montez à bord d'un navire ?

 Cela dépend du lieu d’embarquement. Rallier le navire peut être long et fastidieux : les scientifiques l’ont expérimenté pour cette mission Haïti Twist où nous avons ont dû prendre un premier train ou vol pour Roissy, un deuxième pour Londres et enfin un troisième pour rejoindre la Jamaïque et Kingston.  Avec cette douzaine d’heures de vol, les attentes dans les aéroports et le décalage horaire de 7h, le plus sage quand vous arrivez à bord est … d’aller dormir !

La relève est réglementaire : le collègue capitaine que vous remplacez ne peut débarquer tant qu’il ne vous a pas transmis les éléments nécessaires à la prise de commandement et tant que vous n’êtes pas opérationnel pour l’exercer.

 

Quelle est la tâche la plus difficile d'un capitaine ?

 Celle que vous n’aviez pas prévue, quand bien même vous l’auriez envisagée. Une expédition maritime ne se résumera jamais à un tableau Excel. Si vous avez des aigreurs d’estomac à chaque grain de sable qui vient chambouler un joli programme établi, mieux vaut sans doute envisager un autre métier. Un navire en mer, peu importe qu’il mesure 108 m comme le Pourquoi pas ? et dégage une impression de robustesse, reste soumis à différents aléas (la météo, l’avarie, l’accident aux personnes).

Nous sommes souvent à plusieurs jours de navigation du premier chantier naval ou hôpital. L’équipage doit donc être autonome et tâcher de se préparer du mieux possible aux imprévus.  Cela passe notamment, pour la sécurité, par des exercices réguliers portant sur des situations d’urgence (médicale, incendie, voie d’eau, abandon etc.).

 

Quel est votre moment le plus mémorable en mer ?

C’est plus un ensemble de bons souvenirs : la navigation avec ses cartes, ses courants, la météo, les manœuvres et les campagnes bien menées avec la satisfaction des scientifiques même si les impondérables et déceptions sont toujours instructifs.

Et puis il y a cet environnement si particulier du navire où le lieu de travail est aussi notre lieu de vie.  Nous naviguons ensemble avec certains collègues pendant de nombreuses années. Certaines figures de commandants m’ont marqué même s’ils n’exercent plus. C’est la richesse de ce métier fait de compagnonnage et de transmission. 

 

Qu'est-ce qui vous semble le plus intéressant dans la campagne Haïti-TWiST ?

 C’est une zone où nous avons déjà travaillé, les scientifiques bien sûr, mais également les marins puisque certains d’entre nous ont participé aux campagnes Haïti-Sis. Nous y trouvons une suite logique. L’équipe scientifique est internationale. Walter, Frauke, Jean-Fred, Eric, Marie-Odile et Chastity, ont une grande expérience de la zone et des travaux menés (sismique et OBS). Cela permet d’aborder la campagne très sereinement.

 

Qu'est-ce qui vous manque le plus en mer ?

 Tout ce qu’on laisse à terre : la famille, les amis et activités. On les retrouve avec d’autant plus d’enthousiasme quand vient le moment des congés.