XII - CONCLUSION
Les travaux d'exploration des nodules polymétaliques effectués par AFERNOD de 1970 à 1987, ont permis de localiser dans l'océan Pacifique un secteur géographique de valeur économique. Ces travaux ont été réalisés en cinq phases d'exploration permettant de réduire la surface initiale d'exploration qui était de l'ordre de 2.500.000 km2 à quelques dizaine de milliers de kilomètres carrés.
La connaissance des caractéristiques essentielles de ce secteur font apparaître non seulement des contraintes importantes, mais aussi des lacunes de connaissance impliquant qu'une connaissance plus approfondie du secteur soit obtenue avant que ne puissent être prises les décisions de mise en exploitation.
Au fur et à mesure de l'évolution des travaux, AFERNOD a pu développer de nouveaux engins d'exploration. Ces engins, tel l'Epaulard, le RAIE, le SAR, ont fait preuve d'efficacité et restent en tant qu'outils indispensables à d'autres types d'exploration du fonds marins.
La connaissance acquise au cours de la phase d'exploration a permis à GEMONOD de réaliser les études d'un chantier de ramassage, de réaliser un rapport de faisabilité et de faire les estimations économiques préliminaires de l'exploitation des nodules.
La technologie de ramassage qui a été élaboré s'appuit sur l'expérience acquise dans l'offshore, le domaine minier et la technologie sous-marine profonde.
La taille des sites miniers envisagée dans la première période d'exploitation des nodules polymétalliques dépendra du tonnage annuel que l'on envisage d'extraire, de la durée minimum de l'exploitation, de l'efficacité des systèmes de ramassage et de la qualité du gisement retenu.
Les études préliminaires sur la faisabilité économique de ce type d'exploitation conduisent à penser que la cadence annuelle des opérations commerciales devra dépasser 1,5 millions de tonnes de nodules sèches par an, avec récupération de quatre métaux (manganèse, nickel, cobalt, cuivre) pour assurer sa rentabilité. Ceci correspond à la capacité maximale d'une unité de ramassage telle qu'on peut actuellement la concevoir.
La durée d'exploitation de ces premiers systèmes est de l'ordre de 20 à 25 ans, correspondant à la durée de vie des plus gros équipements, en particulier le support de surface nécessaire au ramassage en mer.
L'efficacité des systèmes de ramassage reste très difficile à estimer et a fait l'objet de nombreuses controverses entre experts.
Les considérations sur la cadence d'exploitation et la probabilité de perte au cours des opérations allant du ramassage à la livraison à l'usine de traitement imposent l'obtention d'un flux de nodules humides de 117 kg/s à l'entrée du collecteur, soit pour une largeur balayée de 15 m avec une perte de 17 % et une vitesse de 0,65 m/s, une concentration moyenne sur le fond de 14,4 kg/m2.
Les études complémentaires et les pilotes qu'il faudra réaliser pour la mise au point des méthodes d'exploitation, il conviendra d'avoir réuni les données indispensables à l'évaluation du gisement, ce qui implique également la mise au point de nouveaux équipements d'exploration détaillée.
La réalisation d'un pilote de ramassage pré-industriel entraînerait, pour la France, des développements technologiques intéressants pour l'offshore profond et pour l'intervention sous-marine profonde.
Les études et essais poursuivis dans différents pays en technologie d'intervention sous-marine profonde réduisent chaque année le niveau de ces difficultés. Le risque technique parait donc maîtrisable. La rentabilité d'une telle exploitation dépend évidement du contexte industriel international.
Le traitement métallurgique étudié, s'appuyant sur un savoir faire acquis dans le traitement des minerais d'uranium et de nickel, sont très performants. Deux types de traitement ont été retenus, l'un par lixiviation sulfurique (hydrométalurgique) et l'autre par fusion (pyrométalurgique). Dans l'état actuel, il est encore difficile de choisir l'une ou l'autre des méthodes de traitement, toutes deux présentant un taux de récupération moyen des métaux supérieur à 90 %. On notera cependant une préférence pour l'hydrométallurgie qui permettrait un meilleur étalement des investissements dans la phase de démarrage.
Les perspectives économiques permettent d'envisager une rentabilité à l'aube du siècle prochain, au moment où l'épuisement progressive des gisements de nickel les plus riches entraînera une tension sur le marché de ce métal et l'élévation durable de son prix. D'ici là, on peut prévoir l'apparition de nouvelles techniques et d'exploitation.
Perspectives
Où en sommes-nous avec les nodules ? Notre histoire avec ces boules métalliques remonte bien aux années 1970-1980, où leur intérêt économique était apparu. Ces décennies ont été marquées d’une part par deux chocs pétroliers et d’autre part par des risques sur les exportations des minerais de l’URSS et de l’Afrique du Sud. L’occident a alors craint des difficultés majeurs d’approvisionnement, notamment en minerais de manganèse et cobalt. Plusieurs pays ont alors entrepris de prospecter les minerais sous-marins et de développer des systèmes expérimentaux pour les exploiter. La baisse des cours des métaux dans les années 1980 et la fin de ces craintes géopolitiques ont entraine la mise en veille de ces programmes dans les pays occidentaux. Parallèlement, d’autres pays tels que la Chine, la Corée du Sud ou encore le Brésil ont manifesté leur intérêt sans toutefois investir dans l’exploitation de ces minerais.
La situation géopolitique a évidemment fondamentalement changé depuis ces années. La mondialisation a accru les échanges commerciaux et supprimé les situations de monopole. Des contrats entre des investisseurs pionniers et l’ISA ont été mis en place depuis le début des années 2000 : cela concrétise une avancée juridique internationale. Toutefois, les règles internationales sont plus complexes que celles des permis nationaux, incitant peu les investisseurs.
Ces dernières années, les cours ont été soutenus du fait des besoins des pays émergents. Après l’inflexion due à la crise économique, la croissance de la demande de ces pays reprendra de telle sorte que ces besoins entraineront la reprise des investissements dans les mines terrestres. Mais l’on commence aussi sérieusement à se tourner vers les minerais sous-marins. Nous l’avons vu, la situation des nodules dans les grandes profondeurs rend leur ramassage à lui seul complexe et coûteux. Peut-être exploitera-t-on d’abord les autres minerais sous-marins tels que les encroûtements cobaltifères et sulfures hydrothermaux, moins profonds que les champs de nodules et situés, pour certains, dans des zones économiques exclusives. Toutefois, ces minerais sont plus difficiles à extraire que les nodules. En effet, les nodules sont posés sur les sédiments alors que les autres étant liés au substrat, des quantités importantes de stériles sont remontées avec le minerai.
Alors exploitera-t-on un jour les nodules polymétalliques ? Peut-être les pays fortement consommateurs de métaux seront-ils disposés à lancer une exploitation de nodules : le terme apparaît lointain, 2040-2060 ?