X.- ETUDE ECONOMIQUE

(Poster 18)

Avant le début de l'exploitation d'un gisement de nodules polymétalliques, une étude économique approfondie de l'ensemble des moyens nécessaire à cette exploitation et à la commercialisation doit être réalisée dans le but de connaître les conditions réelles de rentabilité.

X.1.- Etudes de rentabilité antérieures à 1984

On envisage la récupération de tous les métaux contenus dans les nodules (Mn, Ni, Cu, Co) malgré la saturation du marché qu'entraîne la production du manganèse. Il est question de traiter 3 millions de tonnes de nodules par an, délivrant plus de 6 % de la production mondiale de ce métal, soit deux fois plus que la croissance moyenne annuelle.
A la fin des tests en mer réalisés en 1978-1979, les investisseurs pionniers s'aperçurent que la capacité d'une unité de ramassage ne peut guère dépasser 1,5 millions de tonnes par an. Le développement des technologies de traitement permet une récupération plus facile du manganèse. Sa valorisation vient donc s'ajouter aux revenus, mais aussi aux coûts d'investissement et de production.

X.2.- Etude GEMONOD

 

De 1984 à 1988, GEMONOD a réalisé une étude préliminaire de rentabilité examinant en détail les divers éléments du système de ramassage et reprenant les travaux antérieurs sur les procédés de traitement. Cette étude à porté sur:

  • un système minier hydraulique conforme à celui décrit précédemment ramassant 1,5 millions de tonnes sèches par an par pompage;
  • le transport des nodules par minéraliers jusqu'en Europe;
  • leur traitement dans une usine neuve, soit par pyrométallurgie, soit par lixiviation sulfurique en présence d'ions manganeux (l'étude a montré que les deux procédés étaient économiquement équivalents);
  • la production de nickel et cuivre sous forme de métaux à haute pureté (électrolytique), de cobalt sous forme de chlorure, et de manganèse sous forme de ferro-silico-manganèse à haute valeur;
  • la construction du système minier et des usines est étalé sur 7 ans y compris deux années de mise au point pendant lesquels la production sera la moitié de la production nominale.

Les quantités de métaux produits, à la cadence d'exploitation de 1,5 millions de tonnes de nodules secs par an, ne devraient pas poser de problèmes majeurs d'écoulement sur le marché tout en n'entraînant que des effets mineurs sur les cours.

Le montant des investissements à consentir est estimé en monnaie de 1988 à environ 950 millions de US$. La différence de 3,6 % observée entre la pyrométallurgie (968 millions de US$) et l'hydrométallurgie (934 millions de US$) ne paraît pas significative pour qu'un choix entre les deux procédés puisse être fait à ce stade.

 

Les frais de fonctionnement sont évalués à environ 243 millions de dollars par an.
L'hydrométallurgie paraît un peu plus onéreuse (1,7 %) que la pyrométallurgie.
Une étude approfondie de l'évolution du marché des métaux a permis de choisir les cours les plus probables à l'horizon 2005-2010, période considérée comme pouvant être celle du démarrage:

  • manganèse métal dans le ferro-silico-manganèse 0,65 US$/kg
  • nickel 8 US$/kg
  • cuivre 2,1 US$/kg
  • cobalt 15 US$/kg

 

Dans ces conditions le revenu annuel brut s'élèvera à 494 millions de US$ de 1988 (pyrométallurgie 491,2 millions de US$ et hydrométallurgie 496,7 millions de US$).
Le manganèse assurera 50 % du revenu, suivi par le nickel (32 %), le cobalt (10,5 %) et enfin le cuivre (7,5 %).

 

D'après le graphique de la variation du prix de la tonne de nodules, on constate que la valeur de la tonne de nodules (revenu annuel rapporté à la tonne de nodule traitée) aurait été supérieure jusqu'en 1980 au prix de revient moyen de la production des métaux durant les 5 premières années (frais de fonctionnement plus 25 % des investissements). Ce prix de revient est porté, en monnaie constante, sous forme d'une droite horizontale. Elle est redevenue supérieure depuis 1987.

Cependant l'équilibre du marché des métaux, essentiellement le nickel, est resté fragile durant cette dernière période en raison de l'existence de surcapacité de production inutilisée.
Les prévisions faites dans les dernières années comparaient les nodules aux sources de minerais existantes ou potentielles.
Il n'existe pas de gisement en exploitation contenant les quatre métaux présents dans les nodules. Cependant on peut rapprocher le manganèse des nodules aux gisements de Mn exploités en Afrique ou en Amérique du Sud, le nickel et le cobalt aux gisements de nickel latéritique à faible teneur.

Lorsque de nouveaux besoins d'approvisionnement en Ni se feront sentir, on aura le choix entre le développement des latérites nickélifères ou celui des nodules.

Toutefois il faudra diminuer les risques techniques des technologies d'intervention sous-marine profonde à un niveau économiquement comparable à celui des autres risques, en particulier politiques, qui subsisteraient dans les pays où se trouvent les gisements latéritiques.

 

Actuellement, avec les mutations des structures de production et de consommation des pays de l'Est, il est difficile de déterminer les conséquences que ces transformations pourraient avoir sur les besoins en métaux et la disponibilité des sources d'approvisionnement.

Dans ce pays, l'exploitation de certains gisements de Mn ou de Ni peut se révèler peu rentable. Leur modernisation risque de se heurter à des problèmes socio-économiques difficilement surmontables. La pénurie, même temporaire, qui pourrait en découler, peut amener certains investisseurs à hâter la mise en valeur de nouveaux gisements.

Ainsi le choix entre latérites nickélifères et nodules peut se faire plus tôt que prévu, en prenant en considération le facteur manganèse. C'est d'ailleurs dans cette optique que certains gouvernements (Japon, Chine, Corée, Inde, etc...) continuent à subventionner des travaux de recherche et développement en technologie d'intervention sous-marine profonde appliquée à l'exploitation des gisements de nodules afin de donner à leurs entreprises les possibilités d'un tel choix.

X.3.- Conclusion

L'étude de GEMONOD montre que l'exploitation des nodules est économiquement comparable à celle des minerais terrestres qui contiennent les mêmes métaux.
Néanmoins, le projet "nodule" présente un caractère innovant indubitable qui entraîne un risque technologique qu'il convient d'atténuer.

Le ramassage induit tous ces risques. Un pilote à échelle significative serait nécessaire. Il permettrait de vérifier la faisabilité de la filière hydraulique, d'extrapoler un système industriel et de confirmer que la capacité de production pourrait être effectivement atteinte.

Le transport ne nécessite pas d'étude particulière de développement.

Le traitement métallurgique est mieux connu. Des études particulières devrait être réalisées pour affiner les procédés et vérifier certains points techniques.
Elles seraient préalables à un pilote de traitement aval au pilote de ramassage qui permettrait de choisir un procédé et d'extrapoler l'usine industrielle.

Les études de marché ont atteint un niveau suffisant pour le cobalt.

Bien qu'il ait été montré que le mode de valorisation du manganèse (Fe-Si ou Fe-Mn) a un impact limité sur la rentabilité de l'exploitation pour les hypothèses de cours considérées, il apparaît nécessaire d'approfondir l'étude du marché de ces composés.

La justesse des hypothèses faites il y a vingt ans est incontestée. Aujourd’hui en 2010, la difficulté est de les actualiser sans étude technologique nouvelle, et en tenant compte de nouveaux facteurs tels que l’impact environnemental. Pour simplifier le problème, on peut obtenir une évaluation crédible en se basant sur un indice global. L’indice choisi est le Producer Price Index des Etats Unis et particulièrement le Total Manufacturing Industries, lequel a progressé d’environ 50% entre 1988 et 2007, mais de manière hétérogène : ainsi les métaux primaires ont augmenté de 70 % mais les équipements électriques de 18% seulement. On retiendra une augmentation de 50% qui apparaît assez conservatoire.

L’exploitation des nodules est-elle rentable ? Les nodules sont-ils une source de métaux rentables ?

Rappelons la production annuelle de métaux sur 1,5 millions de tonnes de nodules ramassés : manganèse (382 000 tonnes), nickel (19 700 tonnes), cuivre (17 800 tonnes), et cobalt (3 500 tonnes).

Manganèse

Le manganèse sera le métal le plus abondamment extrait des nodules polymétalliques. La production mondiale de ce métal, en 2005, avait atteint 11,8 millions de tonnes (dont 40% par la Chine). 60% de ce manganèse correspond à du ferrosilicomanganèse, forme qui serait issue des nodules. Son cours moyen sur 2005-2006, qui s’élève à 0,85 $kg, est supérieur aux estimations de Gemonod.

Nickel

Moins abondant dans les nodules que le manganèse, le nickel est toutefois commercialement plus avantageux. Suite à une prise en compte de possibilités d’exploitation de gisements de latérites nickélifères, abondants en Nouvelle-Calédonie, l’analyse des experts a conduit à 11 $kg. Bien sûr les cours ont atteint ces dernières années des valeurs beaucoup plus élevées, mais l’on ne peut pas fonder une exploitation et sa rentabilité sur des valeurs extrêmes ! La consommation mondiale en nickel est de 1,5 millions de tonnes. Or la part de nickel issu des nodules dépasse à peine 1% de cette consommation.

Cobalt

Le cobalt est un co-produit de la production de cuivre au Zaïre et en Zambie et un co-produit de la production de nickel en Russie. La production de cobalt par l’exploitation des nodules atteindrait 3 500 tonnes par an, à comparer avec la production mondiale d’environ 55 000 tonnes. La Chine produit 20% du total à partir de minerai africain. Le prix du cobalt a varié entre 30 et 50 $kg. La Fédération de l’Industrie Minérale estime que le seuil de rentabilité pour des projets au Congo se situe à 24 $kg.

Cuivre

Le cours retenu, 1,9 $kg par Gemonod ne semble pas devoir être remis en cause. De plus, le poids économique du cuivre est relativement faible.