IX. ENVIRONMENT
L'environnement biologique des nodules polymétalliques comprend aussi bien les organismes vivant sur le fond, en contact direct avec les nodules, que ceux évoluant dans la colonne d'eau et faisant partie de la chaîne alimentaire.
- Au niveau de la subsurface, le phytoplancton est principalement concentré dans les 10 à 50 m et leur productivité est basée sur la photosynthèse. Au-delà, la masse diminue brutalement. La quantité moyenne de bactéries se réduit sensiblement aux profondeurs de plus de 150-200 m. Le zooplancton est caractérisé par une migration journalière dirigée vers la surface pendant la nuit, tandis que durant le jour elle se situe à la profondeur maximale du niveau du phytoplancton. Les poissons et leurs larves vivent dans les eaux situées au dessus du secteur prospecté. Au delà de 200 m de profondeur, les larves de poissons sont rarement observées.
- Au niveau du fond, l'identification des communautés benthiques est basée sur des photographies et des échantillons. La méga-faune est dominée par des suspensivores sessiles et des détritivores mobiles. La majorité de la faune trouvée dans le sédiment vit dans les 1 à 2 cm supérieurs. Elle est constituée principalement de macro-benthos, de méio-faune et de bactéries (micro-benthos). Les organismes vivants à la surface des nodules sont des foraminifères, des Xenophyophoria et des suspensivores sessiles.
Toute activité minière implique l'étude de l'impact sur l'environnement. Cet impact peut se manifester tout au début, au cours de la phase d'exploration, mais il sera beaucoup plus important au cours de la phase d'exploitation et de traitement industriel.
Différentes sortes d'impact peuvent intervenir au cours d'une exploitation des nodules polymétalliques. Ces effets peuvent se manifester aussi bien sur le fond océanique que sur la colonne d'eau ou à la surface de l'océan.
IX.1.- Impact sur le fond océanique
Les engins de ramassage progressant sur les fonds marins pour récupérer les nodules laissent derrière eux une trace assez importante due à la remobilisation de la partie supérieure des sédiments. En même temps, au fur et à mesure qu'ils progressent, ils produisent un nuage de sédiments en suspension. Dépendant du régime des courants de fonds, ce nuage pourra se déposer plus ou moins loin de l'engin et recouvrir toutes les formes de vie sur le fond.
D'autres impacts d'exploitation tels le bruit des machines, les pertes de carburant et bien d'autres accidents peuvent aussi intervenir.
Ces impacts auront comme conséquences:
- la destruction physique et la perturbation du benthos,
- l'augmentation de la demande d'oxygène,
- la destruction ou le changement dans la chaîne alimentaire,
- l'assimilation de substances dangereuses par les organismes,
- la bioaccumulation de résidus toxiques.
IX.2.- Impact sur la colonne d'eau
Les engins de ramassage, mis au point de nos jours, sont prévus pour collecter les nodules sur les fonds marins, les concasser et les remonter en surface sous la forme de pulpe au travers d'une conduite principale à l'aide d'un ensemble de pompes hélico-centrifuges.
Cette pulpe, au départ très liquide, est décantée sur la plate-forme. L'excès d'eau, riche en particules, est rejeté à la mer.
Les particules ainsi rejetées formeront un nuage qui aura comme conséquence:
- la perturbation du benthos, plancton et necton,
- l'atténuation de la pénétration de la lumière dans la colonne d'eau,
- la réduction possible de la quantité d'oxygène,
- la destruction ou changement de la chaîne alimentaire.
IX.3.- Impact en surface
Il peut arriver que le transfert du concentré de nodules des plateformes aux navires minéraliers et leur transport vers la zone industrielle s'effectue avec la perte d'une partie du concentré. Les bruit des machines et bien d'autres accidents peuvent aussi intervenir. Les conséquences de ces types d'impact pourra avoir comme effet:
- la destruction physique et perturbation du benthos, plancton et necton,
- l'atténuation de la lumière due à la présence d'un nuage de sédiments,
- la réduction possible de la quantité d'oxygène,
- l'augmentation de la demande d'oxygène,
- la destruction ou changement d'une partie de la chaîne alimentaire,
- l'assimilation de substances dangereuses par les organismes,
- la bioaccumulation de résidus toxiques.
IX.4.- Extraction des métaux et impact sur l'environnement terrestre
Lorsque les nodules polymétalliques sont exploités, ils passent par un processus de traitement industriel qui a pour but d'extraire les métaux d'intérêt économique: le cuivre, le nickel, le cobalt et le manganèse.
Parmis les nombreux procédés métallurgiques étudiés dans ce but, la lixiviation sulfurique (hydrométallurgie) et la fusion (pyrométalurgie) ont été retenues. Chacun de ces procédés comportent une première phase de concentration, une seconde phase de raffinage et une troisième et dernière phase de fabrication d'alliages ferro-manganésifères.
Le déroulement de chacune de ces phases peut être accompagné par la production d'une quantité considérable de résidus solides, liquides ou gaseux, qui pourront être à l'origine de problèmes sur l'environnement.
IX.5.- Précautions à prendre pour prévenir le risques d'impact
Une fois les risques d'impact sur environnement identifiés, il sera possible de prendre les mesures nécessaires pour éviter ou minimiser ses effets néfastes.
Les lois internationales de la mer, codifiées par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, prennent en compte les questions environnementales et en font des exigences sévères.
La Convention demande tout d'abord que tous les Etats aient l'obligation fondamentale de protéger et de préserver le milieu marin. Elle engage ensuite vivement les Etats à coopérer au plan mondial et au plan régional à la formulation de règles et de normes, et à prendre par ailleurs des mesures à cet effet.
En ce qui concerne la zone internationale des fonds marins, l'Autorité internationale des fonds marins, par l'intermédiaire de son Conseil, aura des pouvoirs discrétionnaires étendus pour évaluer l'impact potentiel sur l'environnement de telle ou telle activité minière menée sur les fonds marins, pour recommander des changements, mettre en place un programme de surveillance et recommander au Conseil d'émettre des ordre en cas d'urgence afin de prévenir tout dommage grave pouvant être causé au milieu marin. Les Etats seront responsables de tout dommage causé par leurs propres entreprises ou par les contractants relevant de leur jurisdiction.
Les effets néfastes de l'exploitation des nodules peuvent être minimisés ou bien éliminés complètement si les technologies en cours de développement prennent ces effets en considération.
- Ainsi, les engins de ramassage pourront se mouvoir sur le fond marin en utilisant un système de confinement du panache de sédiments.
- L'excès d'eau riche en particules est prévu d'être rejeter à une profondeur d'environ 1.000 mètres grâce à une conduite située sous la plateforme. Au dessous de cette profondeur, la perturbation causée par le rejet sera énormément réduite car les organismes y sont plus rares.
- Les usines de traitement doivent être construites de façon à éviter des risques d'impact sur l'environnement terrestre.
- Le choix des méthodes et des technologie d'extration des métaux et celui du site des usines de traitement sont les points clefs d'une politique de protection de l'environnement.
IX.6.- Conclusion
La limitation de l'impact de l'exploitation des nodules sur l'environnement fait l'objet d'études approfondies de la part des sociétés minières.
Les connaissances apportées par ces études sont nécessaires pour optimiser et pour règlementer les procédés d'exploitation.
Mission NODINAUT - Juin 2004
Pour établir un état de référence l’ISA a demandé une évaluation de la biodiversité, de la distribution des espèces et du flux génique dans la province à nodules du Pacifiques. C’est ainsi que le Nautile a été envoyé en 2004 par l’Ifremer, pour une campagne d’évaluation de l’impact environnemental. La campagne Nodinaut a été réalisée dans le cadre d’un contrat signé entre la France et l’International Seabed Authority (ISA), organisme qui définit les modalités de prospection et d’exploration des nodules polymétalliques dans la zone concernée. Les objectifs de la campagne Nodinaut réalisée sur le N/O l’Atalante en mai-juin 2004 avec le submersible Nautile étaient d’établir un état de référence des écosystèmes sur ces zones et d’évaluer l’impact d’une éventuelle exploitation des nodules. Cette étude a été menée sur différents faciès de nodules selon une approche pluridisciplinaire à l’échelle régionale jusqu’à l’échelle du nodule. Les résultats de géochimie obtenus sur les nodules et les sédiments sous-jacents sont associés aux mesures de paramètres environnementaux pour des études parallèles aux prélèvements de faune et de microbiologie. Les données environnementales obtenues se sont notamment focalisées sur la trace ancienne d’une drague réalisée il y a 26 ans dans la zone à nodules de Clarion-Clipperton par 5000 mètres de fond. Il a été montré que le passage de la drague a décapé 4 cm de sédiment superficiel et que les propriétés physiques et chimiques du sédiment perturbé dans la trace n’ont pas changées significativement au cours de cette période et n’ont pas montré non plus de retour à son état initial. Cependant les variations verticales similaires de la teneur en manganèse dans le sédiment à l’intérieur et hors de la trace peuvent s’expliquer par la diffusion de l’oxygène à partir de l’eau de mer. En parallèle, l’activité biologique mesurée sur le site suggère la recolonisation complète de la trace par la faune benthique et l’existence d’un flux de nutrients à l’interface eau-sédiment. L’évaluation des conséquences environnementales par une activité d’exploitation des nodules est liée à l’importance de la perturbation de la couche sédimentaire; la restauration des sédiments de surface d’un site pourrait prendre de nombreuses années ou siècles.
Ces résultats, bien que préliminaires, permettent déjà de formuler quelques recommandations dans la perspective d’une éventuelle exploitation des nodules dans ces zones profondes. Ces recommandations portent sur la nécessité de créer des zones protégées (sans exploitation de nodules), en nombre suffisant, réparties sur toute la zone de fracture de Clarion-Clipperton et d’Est en Ouest. Elles auront la surface requise (? km2) pour abriter l’ensemble des composantes d’un écosystème benthique dans cette région (différentes morphologies du fond, différents faciès de nodules, par exemple), et pour éviter les effets directs et indirects de la récolte des nodules dur le fond. Ces zones devront être séparées de façon à favoriser la recolonisation des zones impactées par la faune des zones protégées.