Effet de l’hydrothermalisme sur l’aimantation de la croûte océanique
Le champ magnétique terrestre, bien connu des navigateurs pour les avoir guidé pendant des millénaires, est le résultat de mouvements de convection qui affectent la partie externe du noyau terrestre, liquide, autour de la graine, solide, tous deux étant constitué essentiellement de fer et de nickel. Il représente pour la planète un véritable bouclier contre le rayonnement des particules solaires et y a permis l’apparition et le développement de la vie. A ce champ principal, global, s’ajoute la contribution locale des minéraux magnétiques rencontrés dans les terrains géologiques, pour autant que leur aimantation soit cohérente sur des zones suffisamment vastes. Ainsi, de telles « anomalies magnétiques » (car elles représentent une déviation par rapport à la valeur du champ magnétique principal) sont souvent observées sur la croûte océanique, car celle-ci contient de nombreux minéraux magnétiques.
Une particularité du champ magnétique terrestre est qu’il change d’orientation au cours du temps. On parle d’inversion du champ magnétique. Les minéraux magnétiques les plus communs dans les roches océaniques sont des oxydes de fer et de titane tels que la magnétite (Fe3O4) et la titanomagnétite (Fe3-xTiXO4). Lorsque ces minéraux se forment, leurs domaines magnétiques s’orientent préférentiellement suivant la direction du champ magnétique principal. Ainsi, la roche acquiert une aimantation de polarité identique et d’intensité proportionnelle à celle du champ ambiant. Lorsque ce champ s’inverse, ces minéraux ont la propriété de conserver au moins en partie l’aimantation qu’ils ont acquise lors de leur formation. Cette aimantation est dite « rémanente ». La roche conserve donc un enregistrement magnétique du champ passé. Cette propriété permet de dater le fond des océans.
Les coulées de laves basaltiques portent une aimantation forte et cohérente, et représentent par conséquent la source dominante des anomalies magnétiques océaniques. Cette aimantation est acquise lors du refroidissement de ces laves à l’axe de la dorsale. Les autres roches qui constituent la croûte océanique, gabbros et péridotites serpentinisées en particulier, contiennent également des minéraux magnétiques, et peuvent enregistrer une aimantation rémanente.
Dans le cas des péridotites, cette aimantation est acquise lors de l’interaction avec les fluides hydrothermaux qui circulent en profondeur, pendant le processus de serpentinisation. En effet, celui ci s’accompagne de formation de magnétite (voir Réaction eau de mer-manteau : formation de la serpentine).
L’interaction avec l’eau de mer et les fluides hydrothermaux peut à l’inverse, dans certaines conditions, être une cause de diminution de l’aimantation : elle peut en effet provoquer une oxydation des magnétites et des titanomagnétites, qui se transforment en minéraux (maghémites et titanomaghémites) porteurs d’une aimantation plus faible. L’aimantation peut également diminuer si les minéraux porteurs sont réchauffés jusqu’à des températures proches de leur « température de Curie », c’est à dire de la température à laquelle les domaines magnétiques de ces minéraux perdent leur organisation. Ceci peut se produire lorsque la roche entre en contact avec un fluide hydrothermal de haute température (voir Fluides hydrothermaux océaniques). L’étude de l’enregistrement magnétique des roches est donc également un moyen d’étudier l’hydrothermalisme océanique.
Les sites hydrothermaux des dorsales présentent ainsi des contrastes d’aimantation et donc des anomalies magnétiques détectables par un magnétomètre installé sur les submersibles (sous marins habités comme le Nautile ou robots comme le Victor que nous utilisons pendant la campagne Serpentine). On a remarqué que les sites hydrothermaux installés sur des laves basaltiques correspondent à un déficit d’aimantation. Ceci peut s’expliquer par les effets conjugués de la température (désaimantation thermique) et des fluides (altération puis lessivage des minéraux magnétiques).