Réaction eau de mer-manteau : formation de la serpentine
Olivine, pyroxènes, spinelles et péridotite
En géologie, le manteau est la couche située entre le noyau et la croûte terrestre, partie solide et superficielle du matériau constituant la Terre. Il est en général recouvert de la croûte continentale (plusieurs dizaine de kilomètres d’épaisseur) ou de la croûte océanique volcanique (quelques kilomètres). D’une épaisseur de 2900 kilomètres, il représente environ 70% de la masse du Globe. Sur les premiers 400 kilomètres, le manteau est constitué d’un assemblage de minéraux dominé par l’olivine, également appelée péridot. Cet assemblage de minéraux est appelé péridotite.
L’olivine est constituée d’un réseau d’atomes de silice et d’oxygène (c’est ce qu’on appelle un silicate), sur lequel s’organisent des atomes de magnésium et, en moindre quantité, de fer. Sa formule est : (Mg,Fe)2SiO4. Les péridotites contiennent aussi, en proportions plus faibles, d’autres silicates de fer-magnésium appelés pyroxènes, et des oxydes riches en chrome et en aluminium, les spinelles.
© M.Cannat CNRS/IPGP
Schéma d’une dorsale lente montrant les grandes failles extensives qui forment les murs de la vallée axiale et font remonter les niveaux les plus superficiels du manteau. Ces niveaux superficiels sont appelés « manteau lithosphérique » car les péridotites y sont relativement froides (moins de 1000°C) et rigides. En dessous, on trouve le manteau dit « asthénosphérique » où les péridotites sont plus chaudes et plus ductiles.
La serpentinisation, quand le manteau terrestre rencontre l’eau de mer…
La croûte des océans est mince (6 kilomètres voire moins dans certaines zones), elle se forme à l’axe des dorsales lorsque les deux plaques s’écartent. Dans les océans dits « à faible taux d’expansion », c’est à dire ceux dont le taux d’ouverture est inférieur à 3 ou 4 cm/an, l’écartement des plaques s’accompagne de la formation de grandes failles d’extension qui découpent la croûte et font remonter les niveaux les plus superficiels du manteau.
Dans certaines régions de l’Atlantique, ces failles ont un rejeu (c’est à dire un décalage) tel, qu’elles amènent des péridotites jusqu’au plancher océanique. Ces déchirures de la croûte océanique sont parmi les rares zones du monde où l’on peut observer directement le manteau terrestre.
Lorsque l’eau de mer qui pénètre dans la croûte atteint des péridotites, elle réagit avec l’olivine et avec les pyroxènes pour former de la serpentine. C’est le processus de serpentinisation. Lorsque la péridotite est complètement serpentinisée, on appelle la roche une serpentinite. La serpentine est un silicate magnésien riche en eau, dont la formule est : Mg3Si2O5(OH)4. La serpentine peut également contenir du fer, mais en quantités très faibles.
Réaction de serpentinisation conduisant à la formation de serpentine, de petites quantités de brucite et de magnétite, avec un dégagement d’hydrogène. La couleur vive des minéraux dans la péridotite n’est pas réelle, elle est due à l’observation au microscope sous lumière polarisée. La serpentine a une texture caractéristique appelée « en nids d’abeille ». Les deux vues au microscope ont une largeur d’environ 0.2 mm.
Une serpentine
Campagne Serpentine 2007 - Mathilde Cannat
Les objectifs des campagnes
Pendant la campagne Serpentine, les scientifiques ont exploré des sources hydrothermales installées sur des péridotites serpentinisées aux sites d’Ashadze et de Logachev. Ces péridotites ont été remontées depuis le manteau par les failles bordières de la vallée axiale.
Les scientifiques ont recherché les produits de réactions de serpentinisation, et en particulier l’hydrogène, dans les fluides hydrothermaux de ces deux sites.
Une fois rentrés à terre, ils ont étudié la chimie des minéraux dans les échantillons de péridotite serpentinisée, et ont cherché à déterminer les réactions de serpentinisation, les conditions de température auxquelles elles ont eu lieu, et la chimie du fluide hydraté avant et après ces réactions. La densité et les propriétés magnétiques des échantillons ont été mesurées et leur déformation analysée.
Les réactions géochimiques accompagnant la serpentinisation
La serpentinisation s’accompagne d’un dégagement de chaleur, c’est donc une réaction exothermique. La chaleur dégagée par la serpentinisation complète de 1 kg de péridotite est de 250000 Joules, de quoi élever la température d’un litre d’eau d’environ 50 degrés dans des conditions de température et de pression ordinaires.
La serpentinisation s’accompagne également d’un changement des propriétés physiques de la roche. Le volume de la roche augmente, jusqu’à 30%, avec une diminution associée de la densité. En effet, la serpentine est un minéral beaucoup moins dense que l’olivine et les pyroxènes. Une péridotite non serpentinisée a une densité d’environ 3300 kg/m3 alors qu’ une serpentinite a une densité d’environ 2600 kg/m3. Parallèlement, la vitesse de propagation des ondes sismiques diminue au cours de la serpentinisation passant de 8 km/s dans les péridotites non serpentinisées à environ 5.5 km/s dans les serpentinites. La formation de magnétite au cours de la serpentinisation s’accompagne d’une forte augmentation de la susceptibilité magnétique de la roche, c’est à dire de sa capacité à s’aimanter. Enfin, la serpentine est moins résistante à la déformation que l’olivine ou les pyroxènes. 15 ou 20% de serpentine dans une péridotite suffisent ainsi à diminuer la résistance de la roche à la déformation, et peuvent en particulier faciliter le mouvement sur les failles.